Le 16 mai 2025, Cautious Clay, alias Joshua Karpeh, a dévoilé The Hours: Morning, un album (parfois qualifié d’EP par certains médias) sorti sous le label Concord Records. Ce projet, premier chapitre d’une trilogie ambitieuse intitulée The Hours, marque une nouvelle étape dans la carrière de cet artiste américain polyvalent, à la fois chanteur, compositeur, producteur et multi-instrumentiste. Après avoir captivé avec Deadpan Love (2021) et exploré le jazz introspectif dans KARPEH (2023), Karpeh propose avec The Hours: Morning une œuvre conceptuelle qui capture les émotions et énergies des heures matinales, de 5h à midi. Cet article explore en profondeur cet album, son contexte, sa sonorité, sa réception et son importance dans le parcours de l’artiste.
Un concept ancré dans le rythme du matin
The Hours: Morning est construit autour d’une idée novatrice : chaque heure de la journée porte une énergie et une émotion uniques. Joshua Karpeh a choisi de consacrer cet album aux heures matinales, de 5h à 12h, avec huit titres correspondant chacun à une heure spécifique. Comme il l’explique : « Chaque heure de la journée me procure une sensation distincte. Avec ce projet de huit chansons, je voulais réfléchir à ce que le matin représente pour moi, en créant ce qui me semblait être huit heures discrètes de la journée. Certaines heures sont calmes, d’autres plus énergiques, mais je voulais qu’elles s’influencent mutuellement en fonction des différentes expériences que j’ai vécues à ces moments-là. »
Ce concept s’inspire directement de la vie personnelle de Karpeh. Après avoir déménagé de Brooklyn à Philadelphie suite à la sortie de KARPEH en 2023, l’artiste a cherché à instaurer une routine plus structurée, contrastant avec le mode de vie libre et spontané de ses débuts. Cette discipline a libéré une créativité prolifique : en un an, il a composé plus de 60 chansons, dont huit ont été soigneusement sélectionnées pour The Hours: Morning. Chaque titre reflète une facette du matin, des moments contemplatifs de l’aube aux vibrations dynamiques de la fin de matinée.
La pochette de l’album, baignée d’une teinte ambre, incarne cette dualité : la douceur apaisante du petit matin et l’énergie chaleureuse du soleil levant. Cette couleur devient un fil conducteur visuel et émotionnel, reliant les chansons et amplifiant l’immersion dans le concept.
Un voyage sonore à travers le matin
The Hours: Morning est un album compact de huit titres, d’une durée d’environ 20 minutes, qui mêle R&B alternatif, pop, jazz, indie rock et touches électroniques. Chaque morceau est conçu comme une vignette sonore, capturant l’essence d’une heure spécifique tout en s’intégrant dans une narrative fluide. Voici un aperçu détaillé des titres :
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Tokyo Lift (5am) : L’ouverture de l’album est une plongée dans un R&B synthétique et atmosphérique, inspiré d’une nuit mémorable dans un bar de karaoké à Tokyo. Karpeh évoque ce moment comme un « point culminant » où « la musique était parfaite, les boissons coulaient à flots, et tout le monde perdait la notion du temps ». Avec des grooves envoûtants, des voix réverbérées et un solo de flûte, ce titre installe une ambiance de légèreté et de mystère, comme une aube naissante.
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No Champagne (6am) : Sorti en tant que single avant l’album, ce morceau explore les tensions d’une relation, entre attentes idéalisées et réalité. Les paroles, comme « Whether it’s morning or night, I see the waves taking their shape when your skin hits the light », allient poésie et vulnérabilité. La production, chaude et texturée, contraste avec le ton introspectif, créant un équilibre captivant.
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Traffic (7am) : Un titre énergique aux influences pop-alternatives, où Karpeh décrit le « bruit mental » du début de journée : « Every morning felt like traffic / Brain full of static ». Les cuivres, dont un solo de saxophone joué par Karpeh lui-même, apportent une touche jazzy, tandis que le refrain poétique mêle sensualité et réflexion sur les relations.
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The Plot (8am) : Ce morceau marque une montée en intensité, avec des rythmes plus marqués et une énergie qui reflète l’élan du matin. Bien que moins documenté, il s’inscrit dans la progression narrative de l’album, préparant l’auditeur à la suite.
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Promises (9am) : Une chanson introspective, retravaillée à partir d’une démo composée il y a neuf ans. Karpeh y explore les engagements personnels et les promesses tenues ou brisées, avec une production qui gagne en clarté et en dynamisme, reflétant l’éveil progressif de la journée.
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Father Time (10am) : Un des singles phares, ce titre est une méditation sur le fait de vivre dans l’instant présent, rejetant les pressions associées au passage du temps (« Father Time is gone »). Les percussions pulsantes et les synthés aériens créent une vibe optimiste, portée par la voix assurée de Karpeh.
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Amber (11am) : Ce morceau funk, avec une basse groovy et des textures riches, incarne la chaleur et l’énergie de la fin de matinée. La production audacieuse reflète un sentiment d’accomplissement et d’optimisme.
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Smoke Break (12pm) : La clôture de l’album est un moment hypnotique, décrit comme un « calme après la tempête ». Avec des rythmes rapides et une voix plus affirmée, ce titre conclut le voyage matinal sur une note de plénitude, comme une pause bien méritée avant l’après-midi.
Sonorité et style
The Hours: Morning se distingue par sa polyvalence. Contrairement à KARPEH, qui s’aventurait dans un jazz expérimental, cet album adopte une approche plus accessible, avec des mélodies pop soignées et des arrangements taillés pour un large public. Les textures sonores, mêlant acoustique scintillante, motifs de batterie groovy et instruments comme le saxophone et la flûte (joués par Karpeh), créent une richesse qui équilibre intimité et dynamisme. Les paroles, parmi les plus personnelles de sa carrière, explorent des thèmes universels comme l’amour, l’introspection et la quête de sens, tout en restant ancrées dans des expériences quotidiennes.
Bien que l’album s’appuie parfois sur des conventions pop, la sensibilité de Karpeh et son talent multi-instrumental lui permettent de transcender ces cadres, offrant une œuvre à la fois familière et innovante.
L’évolution de Cautious Clay
Depuis son émergence en 2017 avec « Cold War » (plus de 150 millions de streams, samplé par Taylor Swift dans « London Boy » et utilisé dans Insecure et Booksmart), Cautious Clay s’est imposé comme une figure clé du R&B alternatif. Collaborateur prisé (Billie Eilish, John Mayer, Khalid, Tycho), il a su évoluer d’un son lo-fi à des projets plus ambitieux comme KARPEH, qui explorait ses racines jazz. Avec The Hours: Morning, Karpeh affine son approche pop tout en conservant une profondeur émotionnelle, fruit de son expérience et de sa discipline accrue.
Le déménagement à Philadelphie a joué un rôle clé dans la genèse de l’album. En s’éloignant de l’énergie chaotique de Brooklyn, Karpeh a trouvé une stabilité qui a nourri sa créativité, lui permettant de structurer son processus d’écriture et de production autour d’un concept clair.
Une œuvre culturelle et personnelle
The Hours: Morning est plus qu’un simple album : c’est une réflexion sur le temps, la routine et les émotions qui façonnent nos journées. En s’inspirant de moments précis (une nuit à Tokyo, les tensions d’une relation au petit matin), Karpeh transforme des expériences quotidiennes en une œuvre universelle. L’album s’inscrit dans la lignée des artistes R&B/soul contemporains comme Frank Ocean et James Blake, tout en affirmant l’identité unique de Cautious Clay, marquée par sa polyvalence et sa sensibilité.
Sur le plan culturel, le projet reflète une période de transition pour Karpeh, qui navigue entre ses racines jazz, son amour pour le R&B et son ambition d’atteindre un public plus large. La teinte ambre de l’album, associée à son esthétique visuelle soignée, renforce son impact, créant une expérience multisensorielle.
Une célébration des matins
The Hours: Morning est une réussite qui allie audace conceptuelle et accessibilité musicale. À travers huit titres, Cautious Clay capture la magie des heures matinales, des silences méditatifs de l’aube à l’énergie vibrante de midi. Malgré quelques critiques sur son ancrage pop, l’album brille par sa cohérence, ses textures riches et l’écriture introspective de Karpeh. En tant que premier volet d’une trilogie, il pose les bases d’un projet plus large qui promet d’explorer encore davantage les nuances du temps et des émotions.
Avec cet album, Cautious Clay confirme son statut d’artiste visionnaire, capable de transformer les moments ordinaires en une œuvre d’art intemporelle.