
20 août 2025 - 496 vues
Trois ans après son double Grammy et un an seulement après l’ambitieux Timeless, Kaytranada revient avec un projet qui surprend par sa sobriété et son efficacité : Ain’t No Damn Way!. Sorti le 15 août 2025 chez RCA Records, ce quatrième album studio s’éloigne des featurings prestigieux et de la démonstration collaborative pour renouer avec une formule presque brute, centrée sur le beatmaking et la fluidité sonore.
Un contexte d’urgence créative
L’annonce est tombée seulement quatre jours avant la sortie officielle, précédée par le single “Space Invader”, aux basses rondes et à l’énergie cosmique. Cette spontanéité n’est pas anodine : Kaytranada, producteur montréalais d’origine haïtienne, a souvent revendiqué son besoin de libérer des projets sans surproduction marketing.
Dans la foulée, il a révélé une tournée nord-américaine en co-tête d’affiche avec Justice, confirmant que l’album serait pensé autant pour les clubs que pour la scène.
Un album plus dépouillé, plus direct
Contrairement à Timeless (2024) qui brillait par une multitude d’invités (Anderson .Paak, Childish Gambino, Tinashe…), Ain’t No Damn Way! est un disque quasi intégralement instrumental. Le seul featuring intervient en clôture, sur “Do It! (Again!)” avec le mythique duo TLC.
Kaytranada a lui-même décrit le projet comme une bande-son pour l’entraînement, la danse ou même l’étude. Une volonté assumée de faire un disque “utile”, pensé pour s’inscrire dans le quotidien tout en restant fidèle à son ADN électronique et groovy.
Une tracklist resserrée et cohérente
Avec 12 morceaux pour environ 35 minutes, le disque s’écoute d’une traite, comme une suite de vignettes sonores.
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“Space Invader” ouvre le bal sur des nappes futuristes.
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“Championship” et “Target Joint” rappellent ses origines house et hip-hop, avec des beats minimalistes mais puissants.
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“Home” et “Shine Your Light for We” évoquent une nostalgie lumineuse, teintée de soul filtrée.
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“Goodbye Bitch!” ose l’insolence funky, quand “Don’t Worry Babe / I Got U Babe” explore une sensualité plus intimiste.
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La conclusion “Do It! (Again!)” feat. TLC apporte une touche R&B rétro qui s’inscrit dans la continuité de ses influences 90’s.
Chaque morceau semble pensé comme une pièce de puzzle, jamais trop long, toujours précis.
Entre beat tape et manifeste
Plusieurs critiques, comme Pitchfork, parlent de “beat tape” plutôt que d’album classique. Et c’est vrai : ici, pas de volonté narrative complexe, mais un fil conducteur simple — le groove.
Kaytranada pioche dans ses racines : samples de funk, touches de hip-hop façon J Dilla, clins d’œil à Tangerine Dream, inspirations haïtiennes dans les percussions. Le tout sans surcharger l’écoute.
Là où certains producteurs chercheraient à densifier chaque seconde, Kaytranada choisit la respiration : des morceaux courts, parfois volontairement esquissés, mais toujours porteurs d’une atmosphère.
Une réception critique largement positive
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NME (4/5) salue un projet “où Kaytranada prouve qu’il peut tenir un album entier sans renforts extérieurs, simplement grâce à son instinct du rythme.”
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Pitchfork (7,8/10) admire son habileté à transformer un disque instrumental en expérience addictive.
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Resident Advisor parle d’un retour aux fondamentaux du DJ-producteur, “une musique faite pour les clubs, mais assez subtile pour être écoutée seul chez soi.”
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Sur Metacritic, l’album affiche une moyenne solide de 78/100, preuve d’une réception globalement favorable.
Si certains regrettent un manque de “grands moments” comparables à ses collaborations passées, la majorité reconnaît la cohérence et l’honnêteté artistique de ce disque.
Un Kaytranada en pleine maîtrise
Avec Ain’t No Damn Way!, Kaytranada ne cherche pas à surpasser Timeless ni à enchaîner les tubes radiophoniques. Il revient à une démarche plus puriste, presque artisanale : 12 morceaux taillés pour le mouvement, la danse et la concentration.
Ce choix peut dérouter, mais il témoigne d’une grande confiance en son art : Kaytranada sait qu’il n’a plus rien à prouver en matière de collaborations prestigieuses. Ici, il se contente d’être ce qu’il est au plus profond : un architecte du groove, capable de captiver avec un simple beat et quelques textures lumineuses.
En un mot, un disque qui ne crie pas, mais qui groove. Et qui rappelle pourquoi Kaytranada reste l’un des producteurs les plus influents de sa génération.
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